La création d'un "diplôme de magie" à l'Université d'Exeter a fait le tour du web, et les médias chrétiens se sont emparés du sujet. Nous avons hésité à en parler, surtout face à d’autres actualités prioritaires (Israël, Arras, le Haut-Krabakh… pour n’en citer que quelques-unes). Finalement, cette actualité a suscité de vives discussions au sein de notre rédaction ce qui nous a décidés à nous y intéresser.
Certains y ont vu un vrai intérêt intellectuel, tout en reconnaissant que cela montre aussi une fascination (inquiétante et croissante) pour les sciences occultes. D’autres s’alarment tout simplement d’un tel programme et y voient un véritable danger.
Je ne vais pas vous donner mon avis qui finalement importe peu. Mais on peut évoquer les faits et les différentes inquiétudes que ce nouveau diplôme suscite. Déjà pour l’anecdote, j’ai moi-même étudié à l’Université d’Exeter. J’ai passé une merveilleuse année Erasmus entre les murs de cette prestigieuse université fondée en 1955. J’ai vécu sur le campus, j’ai assisté à des cours passionnants sur la place des immigrés dans le cinéma français, la chevalerie dans la littérature du Moyen-Âge, ou encore l’évolution de la langue française.
Exeter, Harry Potter et la sorcellerie
Autre fait intéressant, l’Université d’Exeter est aussi célèbre pour avoir accueilli JK Rowling, l’auteure de la série de livres dédiée au plus célèbre sorcier, Harry Potter. Je sais que chez les chrétiens, le garçon avec la cicatrice en forme d’éclair a, de son temps, suscité de vifs débats, certains parents y voyant une influence néfaste pour leur progéniture. (Plusieurs lieux de la ville auraient par ailleurs inspiré Rowling et l’Université a même un club, que l’on appelle "society", pour les fans des livres).
Peut-être est-ce pour surfer sur cette vague que l’Université propose aujourd’hui ce programme ? Intitulé "Magie et sciences occultes", il a fait couler beaucoup d'encre depuis l'annonce de sa création à la rentrée prochaine et sera, selon l'école, le premier du genre dans une université britannique.
Le New York Times rapporte en outre que c'est justement à Exeter qu'a eu lieu à la fin du 17e siècle la dernière exécution pour sorcellerie. Trois femmes auraient été pendues sur ce motif.
La professeur en charge du programme, elle-même spécialisée en littérature arabe médiévale, Pr Emily Selove, explique que l’idée de ce programme est née d'une "récente augmentation de l’intérêt pour l’histoire de la sorcellerie et le désir de créer un espace où les recherches sur la magie pourraient être étudiées dans un contexte académique".
Des sujets "fascinants"
Selon Angela Tilby, qui s'est intéressée au sujet dans les colonnes de Church Times, le cursus "devrait donner aux étudiants l'occasion d'explorer des sujets tels que les légendes arthuriennes, les sorcières et la sorcellerie, l'astrologie, les dragons dans l'art et la littérature et le symbolisme magique". Des sujets qu'elle juge "fascinants" même si elle reconnaît que "certains chrétiens pourraient être amenés à s’y opposer". Elle estime néanmoins qu'il "serait bon d’explorer comment la croyance aux sortilèges, aux fantômes et à l’occultisme a continué à prospérer, en dépit – et même parfois parallèlement – de l’enseignement de l’Église".
Elle rappelle, en outre, que dans la littérature et les arts, notamment de l'autre côté de la Manche, "il y a de méchantes sorcières et des jeunes filles innocentes, des géants, des sortilèges et des incantations". Évoquant Le Monde de Narnia, elle souligne que C. S. Lewis, auteur bien-aimé des chrétiens, a lui-même "placé son allégorie chrétienne de Narnia dans un monde fantastique d'animaux parlants, dirigé par une méchante sorcière".
Un diplôme dangeureux ?
"Le diplôme en magie de l'Université d'Exeter est dangereux", titre de son côté Premier Christianity. Un article classé dans la section opinion du site d'information britannique chrétien, rédigé par Kate Orson qui se présente comme anciennement "impliquée dans le New Age pendant plus de 20 ans". Elle y explique pourquoi ce nouveau programme l'inquiète et "comment les chrétiens peuvent réagir".
Elle dénonce notamment, l'enseignement d'idées qui "éloignent la société du christianisme, en critiquant la religion et en décrivant les tentations du péché sous un jour positif".
Sur les réseaux sociaux, une de mes anciennes colocataires d'Exeter (par ailleurs fan numéro 1 d’Harry Potter) a plaisanté avec une amie en partageant un article qui annonce ce nouveaux cours : "tu imagines les incroyables dissertations qu’on aurait pu faire dans ce cursus ?". En réalité, bien loin de Poudlard, le programme semble plus intellectuel que "magique" et d’après le Pr Selove il s’agirait plutôt de "réexaminer l’assomption que l’ouest est un lieu de rationalisme et science tandis que le reste du monde est un lieu de magie et de superstition".
Finalement, qu'il soit dangereux ou non, la création d’un tel cursus révèle surtout la soif de spiritualité d’une génération qui ne sait pas toujours où chercher des réponses. C’est peut-être le fait qu’elle souhaite les trouver ailleurs que dans nos églises qui devrait nous poser question.
Camille Westphal Perrier